Erica Hennequin

"Politique et Cie"

Agrocarburants ... critères d'autorisation à revoir!

Intervention à la conférence de presse du 23 avril 2010 à Berne:

« Tant que des hommes, des femmes et des enfants auront faim, nous refuserons d’utiliser des aliments pour fournir du carburant à nos 4X4 d’enfants gâtés. »

En janvier 2009, la presse jurassienne annonçait «le plus grand projet industriel dans le canton», un investissement de 100 millions de francs pour une usine qui devrait produire 100’000 tonnes d’éthanol pour les marchés suisse et européen, et 30’000 tonnes d’éthanol pharmaceutique. Le projet est porté par des financiers suédois et norvégiens, qui sont déjà promoteurs de l’usine qui projette la transformation de noix de jatropha en diesel à Zurzach. L’éthanol de canne à sucre devrait être importé du Brésil et distillé à Delémont.
C’est l’enthousiasme pour les autorités cantonales et communales jurassiennes, pour lesquelles 100 millions d’investissements et 20 places de travail sont une aubaine.
Début 2009, l’euphorie pour les soi-disant « biocarburants » était déjà retombée. Le rapport de l’Empa spécifiait que ces carburants n’étaient pas aussi performants qu’on le disait, et au niveau international, après la crise alimentaire et les émeutes de la faim, de plus en plus de voix s’élevaient pour demander un moratoire, notamment à l’ONU et à l’OCDE. On apprenait aussi que la FAO estimait à 100 millions de tonnes, la quantité de denrées alimentaires retirées du marché pour faire le plein des véhicules.
En Suisse, le conseiller national Rechsteiner venait de déposer sa demande de moratoire (retirée depuis lors, au profit de l’initiative parlementaire de la CREATE-N pour des dispositions relatives à la mise sur le marché des agrocarburants) ; et dans le canton du Jura, après avoir interpellé le gouvernement par deux questions écrites, je déposais, au nom de mon groupe, une motion demandant de prendre les dispositions nécessaires pour un moratoire de cinq ans sur la production d’agrocarburants à partir de végétaux cultivés dans ce seul but.
Mi-mai 2009, le collectif contre l’importation d’agrocarburants à Delémont (CIAD’’) était créé, pour, dans un premier temps, soutenir le moratoire. Très vite, il a regroupé plus de trente associations et plusieurs centaines de personnes. Parallèlement, un groupe poursuivant les mêmes objectifs sur Facebook réunissait rapidement plus de 1000 personnes.


Le 25 mai, une résolution, qui demande à l’exécutif de la ville de Delémont de surseoir à la demande de permis de construire de l’usine tant qu’une source d’éthanol provenant d’un procédé acceptable sur les plans éthique, social et environnemental n’a pas été trouvé, était acceptée par le législatif.
Une vingtaine d’oppositions ont été déposées.
Fin septembre, le Parlement jurassien a refusé le moratoire, par 35 voix contre 21. L’argument principal, et pratiquement le seul avancé, était qu’en temps de crise, un tel investissement ne se refuse pas.
De son côté, le CIAD rencontrait un réel succès. Il était évident que la lutte contre la construction de l’usine dont le but est de transformer la canne à sucre du Brésil, allait continuer.
Mais sous quelle forme ?
L’initiative cantonale a été jugée la meilleure solution.
Début mars de cette année, le CIAD a donc lancé l’initiative populaire cantonale : « La nourriture d’abord ! Pour un moratoire sur les agrocarburants ».
Aujourd’hui, après moins de deux mois, nous avons plus de 1300 signatures sur les 2000 nécessaires.
Pourquoi cet engouement et cette rage ?
Pour les membres du CIAD, importer de l’éthanol à base de canne à sucre, c’est contribuer à l’augmentation des prix des aliments et participer à l’aggravation de la faim dans le monde. C’est aussi mettre en danger la survie de la petite paysannerie au Brésil, tolérer des conditions de travail proches de l’esclavage et, par effet domino, participer à la déforestation de la forêt amazonienne. L’expansion de la culture de la canne repousse la culture du soja vers le nord et celle-ci fait pression sur les éleveurs qui déboisent le sud de l’Amazonie pour pouvoir nourrir leur bétail.
Les agrocarburants sont également une fausse bonne réponse aux problèmes énergétiques et à la disparition du pétrole.
A cela, il faut ajouter le manque de transparence de l’entreprise. Qui sont ses investisseurs ? Avec qui travaille-t-elle au Brésil ? Les promoteurs n’ont pas voulu nous indiquer qui seraient leurs fournisseurs brésiliens…
Nous sommes confiants. Les Jurassiens sont très sensibles à nos arguments et surtout, nombre d’entre eux connaissent déjà relativement bien le problème. Nous allons déposer l’initiative avant les vacances d’été.

Cette initiative, ainsi que la pétition nationale qui est lancée aujourd’hui, vont enfin permettre de mener un débat démocratique et public sur des questions fondamentales et de décider à quoi les terres agricoles doivent être destinées, si nous voulons vraiment une extension croissante des monocultures et si nous acceptons sans autre d’imposer au Sud des conditions de travail dégradantes pour faire le plein de nos puissantes voitures.

Berne, 23 avril 2010/ Erica Hennequin


Par erica-hennequin, le 23/04/2010 à 15h38


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