Pas vraiment convaincus, les députés ...
H 18 ARRETE OCTROYANT UN CREDIT-CADRE POUR DES ETUDES DE LA H18 DELEMONT BÂLE
Intervention à la tribune, au nom de CS-POP+VERTS, seul groupe qui s'y est opposé
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
M. le ministre Schaffter l’a dit explicitement aux représentants des communes et la commission : « Dans les faits, la décision du Parlement sur ce crédit validera implicitement la nouvelle version de la fiche 2.05».
La fiche du plan directeur cantonal, je tiens à le rappeler, exprime l’orientation de la politique que doit suivre le Gouvernement. Mais la planification appartient au Parlement, c’est même son rôle prioritaire comme l’indique la Loi d’organisation du Parlement en corrélation avec l’art. 82 de la Constitution jurassienne..
En pressant le Parlement de voter un crédit d’étude découlant d’une modification qu’il a faite sans consultation préalable, le Gouvernement fait donc l’impasse sur la répartition des compétences entre Législatif et Exécutif.
Je regrette que cette entorse à la séparation des pouvoirs ne soit pas plus constestée.
Il vaut la peine de savoir ce que le Parlement devrait ainsi adopter tacitement. J’en retiendrai trois aspects
Premièrement de la fiche encore en vigueur, le Gouvernement jurassien biffe d’un trait de plume un pan essentiel de la stratégie… de la Confédération, excusez du peu ! Il est écrit en substance : « La stratégie envisagée par la Confédération pour les 20 prochaines années consiste à tirer parti au mieux des infrastructures existantes dans une optique d’articulation optimale entre différents modes de transport. » (p. 1-2 version actuelle) Je note au passage que le projet visé par le crédit d’étude est loin d’exploiter au mieux les infrastructures existantes, puisque tout ce qu’il prévoit sera nouveau. Mais en supprimant la précision importante selon laquelle la Confédération donne « la priorité aux transports publics et à la mobilité douce en lien avec l’urbanisation » (p. 2), le Gouvernement tourne le dos à l’élément prioritaire de la politique des transports que CS-POP+ Verts voudrait dans le canton.
Au chapitre consacré à la conception directrice, la fiche rédigée par le Gouvernement ajoute un article 3.1 qui traduit bien son intention : « Positionner le canton pour capter les flux externes. Les flux externes, voilà une expression bien abstraite pour désigner les flots bien concrets de voitures et de poids lourds qui devraient ainsi transiter par le Val Terbi, Courroux et Courrendlin. Ceux qui approuvent ce projet pourront prendre un air désolé en reconnaissant que le projet va sérieusement accroître le trafic routier, mais jureront aussitôt que c’est le prix à payer pour le développement du canton. En même temps, personne ne sait quelles entreprises vont réellement s’implanter dans la ZARD (pour ne mentionner qu’elle), ni si cette autoroute leur sera nécessaire, ni même si elle leur suffira. Ce projet se base sur de pures hypothèses. Cela dit, on peut parier sans hésiter que la grande majorité des flux de véhicules ne feront que passer pour aller plus loin au Nord ou au Sud, et que la région n’aura plus qu’à supporter les nuisances de ce trafic, en plus de la dégradation du paysage et de la suppression de surfaces agricoles de qualité.
Dans ce contexte - j’en viens au troisième aspect -, avant que le Parlement entérine tacitement la modification de la fiche, il faut qu’il sache que ce qui y figurait jusqu’à présent comme un leurre deviendra une intention malveillante : en prétendant que « la nouvelle route va rendre moins importantes les mesures de protection de l’air et de lutte contre le bruit – d’où une réduction des coûts d’assainissement », la fiche du plan directeur cantonal précise désormais que l’argent économisé sur le dos de la Confédération ne sera pas utilisé pour des mesures qui pourraient rendre le projet supportable aux villages les plus exposés : Courrendlin l’a déjà bien compris, mais même Courroux peut se faire du souci pour sa « qualité de vie » (autre objectif de la fiche, soit dit en passant) ; outre le bruit (qui monte, souvenons-nous en en amont du Val Terbi) et l’air vicié par le trafic autoroutier, contre quoi le Gouvernement s’engage à en faire le moins possible, je ne suis pas la seule à craindre, en effet, que l’efficacité du contournement de Courroux, prévu à l’origine, puisse être atteinte avec le projet visé par ce crédit d’étude.
En d’autres termes, le Gouvernement veut pousser le Parlement à choisir une solution qui soit payée par la Confédération. Il croit nécessaire pour cela d’exclure la priorité au trafic ferroviaire pour le transport des marchandises, et d’ignorer l’accroissement des nuisances qu’entraînera inévitablement une semi-autoroute censée « capter les flux externes » comme un aspirateur.
Pour le groupe CS-POP+VERTS, le Gouvernement fait fausse route en se posant en quémandeur d’argent fédéral pour régler un problème cantonal (le délestage de Courroux et le développement de la ZARD), et en renonçant explicitement à la possibilité de faire pression sur la Confédération pour qu’elle envisage plus fermement un transfert de marchandises de Bâle vers le sud du pays par le rail.
Quitte à faire payer la Confédération, le Jura devrait choisir une solution intelligente, qui lui épargne des nuisances inutiles, en appuyant la solution du transport ferroviaire. Car ce n’est pas seulement Bâle qui se rapprochera du Jura avec le projet d’autoroute ; le Jura s’ouvrira aussi au trafic routier allemand et français, aux véhicules du Bénélux : est-ce bien là notre avantage ? Je rappellerai ici que l’office fédéral de développement territorial (ARE) a calculé que le transport routier génère des coûts externes (accidents, bruit, santé, bâtiments, climat et autres domaines environnementaux de même que nature et paysage) au moins vingt fois plus importants que le rail .
En abandonnant tacitement la priorité du transport public, inscrite dans la fiche encore en vigueur, pour ne retenir que le transport individuel et routier en direction de Bâle, le Parlement ferait une énorme erreur stratégique.
Nos ministres peuvent bien se référer aux régions françaises, dont le développement aurait été favorisé par des autoroutes. Mais comment peuvent-ils oublier que la France est un désert en matière de transports publics, l’exact contraire de la Suisse, dont le réseau ferroviaire est l’un des plus développé au monde, avec celui du Japon ? On ne peut pas ainsi assimiler des pommes à des poires (ou l’inverse), ce serait catastrophique sur l’évolution de l‘aménagement de notre territoire !
En résumé, nous refuserons de voter le crédit d’étude pour des raisons tenant à la manière dont le Gouvernement traite la séparation des pouvoirs avec le Parlement et pour des raisons de fond, les modifications de la fiche du plan directeur cantonal aboutissant à exclure des solutions plus intelligentes, moins dévoreuses de paysages et de terrains agricoles, moins polluantes, et plus conformes à l’idée que nous nous faisons du développement durable.
Nous vous proposons plutôt de surseoir à la décision concernant le crédit d’étude, et de charger la commission d’adapter la fiche. De toute évidence, les modifications apportées par le Gouvernement sont loin d’être mineures, contrairement à ce que prétend le Gouvernement.
Merci de votre attention
22.09.10/ Erica Hennequin, Verts, groupe CS-POP+VERTS
Merci à Sylvain Fattebert pour sa précieuse collaboration
Par erica-hennequin, le 02/10/2010 à 16h19
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