Erica Hennequin

"Politique et Cie"

FSM Dakar 2011

LE FORUM SOCIAL MONDIAL A DAKAR DU 6 AU 11 FEVRIER 2011

Le chaos du premier jour a été vite oublié. Le FSM de Dakar est une grande réussite, par la qualité des interventions, par la vitalité des mouvements sociaux et par le nombre de participants.
Il a surtout été question d'agriculture avec la souveraineté alimentaire et l'accaparement des terres ainsi que des migrations, mais aussi de changement climatique, de crise financière et de démocratie. Les femmes ont montré qu'elles jouent un rôle prépondérant dans la volonté de changement.


PANEL DU 7.2.11

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Avec notamment Samir Amin, Lula da Silva, Abdulaye Wade, lIrina Bokova, directrice générale de l'Unesco et Amath Dansokho, ancien ministre


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Samir Amin, économiste franco-égyptien

Pour Samir Amin, l'accession de Lula à la présidence du Brésil en 2003 a ouvert une brèche. On entre maintenant dans une deuxième phase où s'engouffrent certains pays arabes.
Le défi fondamental est d'inventer des formes de démocratisation associées au progrès social et non à la régression qui décrédibiliserait la démocratie.

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Lula da Silva

Sur le FSM. Lula le voit comme un rendez-vous des utopies que certains croyaient enterrées et il affirme qu'un autre monde est possible, notamment en Afrique, berceau de toutes les civilisations.
Il ne faut plus se soumettre aux grandes puissances. Ceux qui, avec arrogance, ont dit aux pays du Sud comment gérer leurs affaires n'ont pas été capables d'éviter les crises de ces dernières années. La faillite des banques montre la faillite de leur dogme.
L'Afrique est une partie incontournable de la solution.
Il a ensuite parlé du Brésil où 28 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis son accession au pouvoir en 2003 et le pays a payé une grande partie de sa dette. En outre, ils ont 64% de plus de forêts ( ce dont nous doutons!)
S'agissant de l'Afrique, il imagine le Brésil comme modèle pour entrer dans le marché international. Il y a 400'000 ha de savanne africaine qui pourrait être cultivée notamment pour les besoins de l'Europe et l'Asie où il n'y a plus de place (Ce qui n'est de loin, pas l'avis de tous les altermondialistes, ni des représentants des mouvements sociaux africains que nous avons rencontrés!).


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Lula à la sortie du panel. De nombreuse personnes l'attendaient, notamment des Brésiliens.


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Abdoulaye Wade, président du Sénégal

Il s'est fait huer lorsqu'il a déclaré que le mouvement altermondialiste n'avait rien obtenu depuis Seattle ...à part l'arrivée de Lula au pouvoir au Brésil ...Il est partisan de l’économie de marché, et non de l’économie d’Etat qui, dit-il, a fait faillite partout ou presque dans le monde. S'agissant du Sénégal, le pays est autosuffisant alimentairement (partout, nous avons entendu le contraire: la production de riz n’atteignant même pas 30 % des besoins), mieux, selon Wade, ils ont commencé à exporter du riz et des cacahuètes en Chine. Et ils exporteraient de plus en plus (ils exportent les produits de bonne qualité et importent, notamment, du riz de mauvaise qualité). Côté éducation, l'Unesco a salué les efforts pour les tout-petits.
Il nous accorde le droit de marcher et de nous exprimer sans intervention de la police (ce qui est rarement le cas). Il n'y a pas de prisonniers politiques au Sénégal (cela nous a été confirmé).
Dans le pays, il y a 95% de Musulmans et 5% de Chrétien qui vivent en paix (et 100% d'animistes prétendent certains). Une loi sur l'égalité a été votée récemment. Elle garantit la parité absolue entre femmes et hommes dans les assemblées.
Sa proposition: taxer les flux financiers, non pas de 2 ou 3%, mais de 20%, pour lutter contre la pauvreté (son ami Sarkozy a fait récemment une proposition semblable) (Attac veut 0,5%).


TABLE RONDE: ACCAPAREMENT DES TERRES, PILLAGES DES MERS - 8.2.11

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avec, notamment Ndiamé Dia Yadiana, directeur du Cecodev et Ska Kekker, eurodéputée

L'accaparement des terres est possible lorsque la législation est faible et la gouvernance locale déficiente. Elle peut être forcée ou le résultat d'informations et de promesses erronées ou de tromperies. Les acquisiteurs sont soit des privés africains, soit des autorités religieuses ou politiques, soit des étrangers.
La crise alimentaire, les prévisions d'augmentation du prix des aliments, le développement des agrocarburants, la crise financière et la main d'oeuvre à bas prix favorisent l'accaparement des terres.
Sur les 45 millions d'ha de terres ainsi acquises dans le monde, plus de 70% se trouvent en Afrique, la plupart pour l'exportation.
Au Sénégal, 16,5% des surfaces cultivables sont attribuées à 17 privés, 10 nationaux et 7 étrangers.
Il y a d'autres menaces sur les terres agricoles: la salinisation, l'érosion côtière, les éboulements, la pression démographique etc.
La Cecodev a fait faire une étude dans la communauté rurale de Diokul, au centre ouest du pays. Là, les conseillers ruraux ont donné des terres sur des bases érronées.
Les habitants des quatre villages ont eu connaissance de la vente lorsque les propriétaires sont arrivés avec des matériaux et des clôtures. Ils se sont révoltés. On leur a alors promis des emplois ainsi qu'aux membres de leur famille, des classes, une mosquée etc.
Finalement, seuls 105 personnes ont été embauchées.
La Cicodev demande un moratoire pour résoudre les problèmes urgents, faire le point sur qui détient quoi - il y a là une opacité totale.
Elle veut aussi créer une large alliance sur la question et faire le lien entre ville et campagne.
Le débat qui a suivi a abordé les questions juridiques - titre fonciers - et politiques. De nombreuses personnes ont témoigné.
Le directeur du Cecodev a lancé un appel pour que les informations soient transmises à son organisation: Il faut lutter contre l'opacité qui entoure l'accaparement des terres.
Un participant a encore déclaré: Nous ne voulons pas être assistés. Ils prennent ce qu'ils veulent et ils nous laissent totalement démunis: Le Président Wade devrait refuser les ventes.


FLUX FINANCIERS ET EVASION FISCALE 8.2.11


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Eva Joly, eurodéputée, ancienne magistrate franco-norvégienne

Nous vivons dans un monde en crise et les questions financières sont au coeur de cette crise. Les flux financiers qui partent du Sud s'élèvent à 600'000 milliards de dollars par an alors que l'aide publique au développement qui part vers le Sud se monte à 100 à 120 milliards.
Les paradis fiscaux font office de subventionnements cachés des multinationales et des actionnaires. Ils permettent aux plus riches de ne pas payer d'impôts. En 2008, il y avait 11'000 milliards de dollars dans les paradis fiscaux dont seuls 5% soumis aux impôts. Cet argent permet les financements illicites des partis politiques, permet d'acheter et de manipuler des voix.
Il n'existe pas de comptabilité, pas de transparence.
Il faut rappeler que ce système n'a d'effets que sur les pays d'où l'argent est originaire.
Le plus dangereux et le plus méconnu est que cela nuit à la bonne gouvernance et au développement. Les intérêts des peuples et des nations sont sacrifiés.
En Tunisie, dix jours après la fuite du dictateur, l'ensemble de ses biens sont saisis. C'est une grande nouveauté. C'est grâce au travail de terrain du réseau pour la justice fiscale (Tax Justice Network).
Les pays qui ont des régimes parlementaires - deux en Afrique - souffrent moins de l'existence des paradis fiscaux. Dans les conflits armés comme en Angola, des milliards de réserve ont été utilisés pour l'achat d'armes.
Les paradis fiscaux sont des armes de destruction massive pour le développement des pays pauvres. C'est une forme de colonialisme qui ne dit pas son nom.

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Premier rang, Eva Joly. Quelques membres de la délégation suisse au deuxième rang.

Le combat ne sera pas facile du fait que les paradis fiscaux constituent un noeud d'intérêts convergents très forts. Pourtant, il faut peu de moyens pour gagner contre les paradis fiscaux ... avec beaucoup d'effets! Et de lancer quelques pistes:
1. Les banques et les multinationales doivent déclarer pays par pays le nombre de salariés, le chiffre d'affaire, les gains et les impôts acquités.
2. Les régions, les particuliers, les entreprises demandent à leur banque des informations sur le placement de leur argent.

Lire aussi: Finances équitables et corruption de Pain Pour le Prochain

OMC - CYCLE DE DOHA 9.2.11

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Isolda Agazzi, Cheikh Tidiane Dièye et El Hadji Diouf


L'OMC ne répond plus aux problèmes du moment. En 2008, il y avait 800 millions de personnes sous-alimentées, en 2010 1 milliard. Le prix des aliments flambent et l'OMC a contribué à créer le probléme en voulant ouvrir les frontières et libéraliser l'agriculture.
La situation délicate devient explosive quand le prix des aliments flambent. L'OMC doit revoir sa position sur l'agriculture.
Le cycle de Doha est un cycle de négociations pour réformer les règles pour qu'elles deviennent soi-disant favorables aux pays du Sud. Les pays se battent au niveau des droits de douane. Or, les réductions des droits de douane profitent surtout aux pays exportateurs comme le Brésil ou l'Argentine.
Il faut éliminer des subventions à l'exportation qui sont très néfastes pour les pays du Sud.
Le cycle de Doha est dépassé, il ne répond pas aux problèmes actuels. Il faut cependant maintenir certaines avancées comme l'interdiction des subventions à l'exportation, les pays les moins avancés (PMA) doivent pouvoir vendre sans quotas - par ex. les médicaments.
Réforme de l'OMC. Les règles ne peuvent pas être les mêmes pour tous!
L'OMC est une autorité de régulation . Elle ne tient compte que des valeurs marchandes. Derrière l'agriculture par exemple, il y a l'emploi, la sécurité alimentaire et l'environnement. Il faut concilier les valeurs commerciales et les valeurs non commerciales comme les droits humains.
L'OMC met en contact des parties très inégales.
A travers l'AGCS (Accord général sur le commerce des services), on comprend la mentalité de l'OMC: seules la justice, la police et la diplomatie sont exclues .
Il est dit que tous les pays sont égaux. Prenons le cas du coton. En Afrique de l'ouest, le coton est d'excellente qualité. Il est travaillé à la main et à la charrue tandis qu'aux Etats-Unis, tout est mécanisé et ... subventionné.

Une proposition est de sortir l'agriculture juridiquement de l'OMC mais d'y rester administrativement. On ne peut plus traiter les questions de l'agriculture sans parler de climat, de sécurité alimentaire et de droits humains.
Selon Cheikh Tidiane Dièye, le monde est en train de changer, par le bas! On ne peut pas tout attendre des gouvernements, on n'avancerait pas.
Les accord bilatéraux sont une possibilité, mais ils mettent souvent en face des parties très inégales et les traités se font au détriment du plus faible.
De l'extérieur, on ne voit pas l'Afrique qui change. On voit ses dirigeants et ses catastrophes!
L'Union européenne est complètement désarmée car elle n'a pas l'habitude que l'Afrique lui dise non. Aujourd'hui, l'Afrique ne veut pas de leur accord de libre-échange.

Lire aussi: le FSM de Dakar au jour le jour sur le site d'Alliance Sud
















Par erica-hennequin, le 14/02/2011 à 01h42


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