Erica Hennequin

"Politique et Cie"

Loi jurassienne sur l'énergie: trop timide ...

A la tribune du parlement jurassien – 28.10.18


La révision de la loi cantonale sur l’énergie est nécessaire et … urgente ! On ne conçoit pas les questions énergétiques de la même façon qu’il y a 27 ans, lors de l’adoption de notre loi actuelle. C’est une grande lacune et je ne me trompe certainement pas en affirmant que cela est dû à une croyance que le tout au nucléaire résoudrait tous nos problèmes. En effet, Beznau 1 a été mis en service en 1969, suivi de Beznau 2 en 1971 puis Mühleberg en 1972, Gösgen sept ans plus tard et enfin Leibstadt en 1984.

La loi sur l’énergie actuelle date donc de 1988, du temps où on pouvait encore avoir l’impression que nos cinq productrices d’électricité nucléaire fonctionnaient mieux (malgré la catastrophe de Tchernobyl en 1986) sans qu’il ne faille interrompre leur production quasi tous les mois au point que fin septembre de cette année, le temps d’un week-end, plus aucune d’entre elles ne produisaient d’énergie.
On voit dont toute l’urgence qu’il y a de trouver d’autres modèles de productions d’énergie, mais surtout d’autres modèles de consommations d’énergie.

Il a bien fallu se rendre compte, même en n’étant pas fondamentalement anti-nucléaire, après Fukushima notamment, que l’énergie nucléaire, soi-disant si propre et si bon marché, si idéale, n’était pas la panacée.

Il a aussi fallu se rendre compte de l’immensité du gaspillage d’énergie de tout un pan de société, que ce soit dans l’industrie, dans les services, les ménages, la mobilité, enfin, un gaspillage généralisé, sans augmentation de confort.
Sans augmentation de confort, cela signifie qu’il y a un potentiel très important d’économies. Arrêtons donc de jouer les enfants gâtés !
Le groupe CS-POP et Verts salue donc cette loi cantonale révisée sur l’énergie. Il salue aussi un nombre important de propositions qui vont dans le sens d’une utilisation rationnelle et économe de l’énergie. Nous allons présenter quelques propositions de modifications qui sont logiques et évidentes.

A quelques jours de l’ouverture de la COP 21, la conférence de Paris sur le climat. Il est juste évident que le texte que nous allons voter aujourd’hui aille dans le sens d’une meilleure gestion énergétique. A Paris, il est question d’un engagement des Etats et nous sommes un Etat. Faisons donc notre part ! Faisons-le bien !

Nous sommes attentifs aux modèles de prescription énergétiques des cantons, le MOPEC. Nous estimons que ses prescriptions, même si elles ne sont pas contraignantes pour les cantons, sont un excellent outil de travail et que le Jura a tout intérêt à s’y conformer. D’ailleurs, la loi que nous discutons aujourd’hui s’y réfère dans l’ensemble.

Nous estimons spécialement important que cette loi, une fois votée, soit respectée et appliquée au plus vite. C’est une volonté politique et nous comptons sur le nouveau Gouvernement pour développer des outils qui permettront le respect de la loi et la mise en place d’un calendrier sans tarder.

Avec les coûts de l’énergie qui pourraient grimper d’un jour à l’autre et le besoin de mettre en œuvre une ambitieuse politique de rénovation des bâtiments du canton, la loi sur l’énergie prend une place de plus en plus importante. L’inertie des décennies passées doit faire place à un engagement sérieux du politique pour la mise en place d’un système de contrôle efficace sans quoi la culture de l’esquive à la loi pourrait se développer avec des conséquences néfastes pour le climat.

Nous attendons évidemment avec intérêt la Conception cantonale de l’énergie qui définira plus précisément la politique énergétique du canton.

Dans son ensemble, nous considérons la loi qui nous est soumise comme une bonne loi, un peu timide sur certains aspects. Le groupe CS-POP et Verts va donc accepter l’entrée en matière et vous soumettre par la suite quelques propositions d’amélioration.

Proposition de motification : Statut du gaz « naturel »


Nous vous soumettons la suppression de la deuxième partie de l’article 10 alinéa 2. Il est demandé dans l’alinéa un que pour les nouveaux bâtiments le permis de construire sera délivré si les caractéristiques thermiques de la construction répondent aux exigences minimales fixées par le Gouvernement et dans l’alinéa 2 que ces exigences sont accrues si les bâtiments sont chauffés aux énergies fossiles.

Cet article est fondamental pour atteindre un objectif de réduction importante de gaz à effets de serre et de particules fines. Il n’y a pas lieu de faire une exception pour le gaz naturel. En effet, il ne produit pas de particules fines et il émet environ 25% de CO2 en moins que le mazout. Il reste cependant un fort émetteur en CO2. Le gaz naturel est une énergie fossile, non renouvelable, qui ne contribue pas à notre souveraineté énergétique.

La minorité de la commission vous demande de ne pas répondre au lobby du gaz afin de rester cohérent dans cet article et de voter pour la suppression de cette exception. L’article 10 alinéa 2 est incitatif. C’est un message aux futurs propriétaires qui leur signifie que l’avenir n’est plus dans le fossile mais dans l’économie d’énergies et dans le renouvelable.

Proposition de modification : Energies renouvelables et nouveaux bâtiments


Nous estimons que qu’il est intéressant de préciser ici, à l’article 11, alinéa 2, que la majeure partie des besoins en eau chaude sanitaires soit couverte par des énergies renouvelables ou par la récupération de chaleur.

En effet, La production d’eau chaude représente environ le quart des besoins d’énergie thermique dans les anciens bâtiments, et la moitié voire plus dans les bâtiments récents et mieux isolés. Ce n’est donc pas un simple détail !

Proposition de modification: Décompte individuel des chauffages



Le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire engloutissent la majeure partie de l’énergie totale consommée dans les ménages.
De nombreuses expériences ont démontré l’efficacité des décomptes individuels de frais de chauffage et d’eau chaude pour influencer positivement les comportements et réaliser des économies d’énergie.
Parmi elles une expérience menée à Genève à la fin des années 1980, suite à l’acceptation de l’initiative populaire « L’énergie, notre affaire » qui exigeait l’utilisation des décomptes individuels de frais de chauffage et d’eau chaude à Genève. Les locataires sondés dans cette expérience et dans d’autres étaient quasi unanimement favorables aux décomptes individuels. Outre les économies d’énergie, le principe d’équité (ou pollueur payeur) est aussi très apprécié des locataires.

La minorité de la commission vous propose donc que tout bâtiment à construire qui comporte plusieurs unités d’occupation et alimenté par une centrale de chauffe soit équipé d’appareils de décompte individuel.

Il faut adapter la loi à notre situation. Nous ne sommes pas un canton urbain et malgré la grande dispersion de l’habitat, nous pouvons influencer positivement les comportements qui conduisent à des économies d’énergie.

Proposition de modification : Chauffage des terrasses


La minorité de la commission vous soumet l’idée que les énergies renouvelables sont précieuses et qu’il s’agit de les utiliser pour des projets sensés. En effet, elles sont décentralisées et pas toujours faciles à produire parce qu’elles sont décentralisées et pas toujours facile à faire accepter par la population parce qu’elles créent des nuisances et des dérangements, ces énergies-là ne doivent pas être utilisées pour chauffer le plein air mais bien pour compenser les énergies non renouvelables, polluantes et dangereuses.

Par contre, nous acceptons que les rejets thermiques inutilisables d’une autre manière puissent être destinés à chauffer les terrasses.
Nous avons tenu à ajouter à l’article 17c alinéa 1 que le chauffage de plein air pour des mesures de sécurité n’est pas concerné.

Nous vous remercions donc d’accepter la proposition de la minorité qui demande que les énergies renouvelables ne soient pas utilisées pour chauffer les rues et les trottoirs.

Delémont le 28 octobre 2015
Pour le groupe CS-POP et Verts, Erica Hennequin, Verts



Par erica-hennequin, le 21/11/2015 à 14h46